La Paille dans l'Oeil de Dieu - Larry Niven & Jerry Pournelle


AVERTISSEMENTS : si vous n'avez pas encore lu ce livre mais que vous comptez le faire, ni lisez pas la suite car cela vous gâcherait le plaisir de la découverte de l'univers. Dans le cas contraire (que vous ayez déjà lu le bouquin ou que vous ne comptiez pas le faire) ça ne peux pas vous faire mal.

Au fond de l'espace, dans plus d'un millénaire...
Près de quatre siècle de barbarie ont suivi l'effondrement du Premier Empire de l'Homme. Avec l'avénement du nouvel Empire et la fin des terribles Guerres de Sécession, la paix semble revenue dans l'univers humain et ses deux cents mondes habités, sous la férule indéfectible de la Marine Impériale. Mais quelques chose s'approche. Un objet inconnu qui ressemble à une gigantesque voile solaire, un vaisseau résolument inhumain.
La mission du croiseur impérial Mac-Arthur est dès lors d'une simplicité redoutable : établir le premier contact. Oui mais avec quoi?

Avant de lire ce livre je n'avais lu qu'un seul des romans de Larry Niven, L'Anneau Monde, et je dois dire qu'il ne m'avais pas laissé un souvenir impérissable. Pour être tout à fait franc je dirais même que je m'en souviens à peine. Ça ne m'incitais pas découvrir d'autre de ses oeuvres . Pourtant une citation élogieuse de Frank Herbert en quatrième de couverture aura suffi à me motiver (et le fait que ce livre soit co-écrit - par Jerry Pournelle que je ne connaissais pas du tout). Et je ne le regrette pas puisque cette lecture a fait naître en moi quelques réflexions (qui paraîtrons peut-être un peu obscures à ceux qui n'ont pas lu le livre). Notez qu'elles sont totalement subjectives et que le débat est bienvenue.

Thème rebattu s'il en est, le premier contact est ici traité de manière assez singulière. Ici, point d'aliens belliqueux dotés d'une technologie très en avance sur celle des humains. Du moins les choses ne sont pas si simples. Au contraire l'accent est mis sur les problèmes de communication entre espèces. Comment interpréter les intentions d'êtres intelligents d'une autre race que la notre? Chacun, humains comme pailleux (les ET), va faire preuve d'un inévitable ethno-centrisme. Inévitable mais ça frise parfois la caricature. Chaque race se débat avec ses doutes et projette sur l'Autre ses propres motivations, ses propres schémas de pensé. Bon ce n'est pas les Lettres Persanes non plus ! Car les auteurs ont su créer une espèce radicalement différente des humains tant sur le plan physiologique, que psychologique ou sociologique. Ces différents éléments agissant ou rétro-agissant les uns sur les autres, donnant naissance à un système cohérent. Même si j'ai quelques réserves.
Les pailleux sont très différents de humains. Leur espèce est constituée de nombreuses sous-espèce, sortes de castes spécialisées dans une tâche bien précise et dans laquelle elle excelle. Il existe ainsi des Médiateurs, Donneurs d'Ordres, miniatures, Guerriers...D'ailleurs le système de caste (même s'il est ici biologique) n'est pas la seule ressemblance entre les pailleux et l’hindouisme. Car l'originalité de leur espèce tient à un impératif biologique : ils sont obligés de se reproduire sous peine de mourir. Sans rentrer dans les détails, ce fait associé à une espérance de vie réduite (25 ans) fait qu'ils ont une croissance démographique énorme. Aussi cette pression démographique conduit cycliquement à des guerres fratricides ce qui entraîne inexorablement un retour à l'âge de pierre. Et ces cycles se répètent depuis un million d'années (!!!) avec une périodicité de 1000 ans. Il faut ajouter qu'ils ne peuvent pas quitter leur système solaire en raison d'une pénurie de ressources (qu'ils contournent de manière tout à fait originale) et d'une découverte scientifique qui leur manque (au contraire des humains). Cela se traduit chez les pailleux par un fatalisme à toute épreuve. L'idée même que les choses puissent être différentes (par un contrôle des naissances par exemple!!!) suffit à caractériser la folie pour l'individu qui l'a fait naître. On voit bien là encore la ressemblance avec la conception cyclique du temps des hindous. On peut même faire le parallèle entre le refus des pailleux, de vouloir intervenir dans la réalité historique (de prendre leur destin en main) et la croyance en la nature illusoire de cette réalité profane (simple répétition dégradée du temps primordial) qui se traduit par la vacuité de toute action visant le changement : même s'ils migraient vers d'autres étoiles les pailleux continueraient encore et encore à répéter ce schéma.
A ce stade ma première réserve est de ne pas pouvoir croire qu'une race intelligente, capable d'aller dans l'espace et dotée de technologies très avancées ne veuille prendre la décision qui s'impose pour arrêter les cycles : la contrôle des naissance. Car il s'agit bien d'un choix délibéré puisque les pailleux possèdent les moyens techniques de le faire. C'est aussi absurde que Sisyphe poussant son caillou.
D'autre part et par opposition, les humains eux conçoivent le changement. Une allusion est d'ailleurs faite (sous la forme d'un conseil donné au pailleux) aux religions du Livre dont les prophètes, voir même les divinité (Jesus) s'incarnent dans le temps historique qui cesse dès lors d'être "impur". Je ne saurais dire si c'est ou non une intention consciente des auteurs, mais le fait est que j'ai eu le sentiment que le livre délivrait un message pour le moins ambigu (ce qui n'enlève rien à ses qualités). Comment ne pas y voir une vision évolutionniste de l’histoire (bien qu'en matière de progrès technique cela puisse avoir du sens), le sommet de l'évolution étant bien sûr incarné par celui qui domine : ici les humains qui peuvent exterminer cette race pour s'en protéger (une fois lâchée dans l'univers ne risque-telle pas de nous détruire?). Ce sentiment est renforcée par la représentation très conservatrice (notamment en matière de moeurs) de la société humaine. D'autant que je n'y ai pas vu de critique "cachée" de ladite société. Bien au contraire.

Pourtant au moment de faire le bilan, je dois dire que j'ai aimé cette lecture. l'univers est riche et l'intrigue très originale. Les critiques émises ne sont peut-être finalement que le reflet d'un pari impossible par nature, celui de nous montrer de manière crédible ce que pourrais être le premier contact avec l'Autre. S'il se produit un jour, se sera sûrement comme personne ne l'a imaginé. Au rang des défauts on peut également ajouter un problème de rythme (lent sur la première moitié du roman) et les personnages sont un peu trop lisses. Mais je pourrais faire les même reproches à bien des livres que j'ai aimé. Et l'histoire est suffisamment bien menée, les pailleux suffisamment singuliers, l'univers suffisamment riche pour satisfaire le lecteur.

Commentaires

  1. c'est sûrement notre plus grave défaut d'hommes modernes, d'être si sûrs que malgré tout notre modèle est le bon, malgré les erreurs que nous lui découvrons, il nous semble inconcevable (comme dirait Vizini) qu'un autre modèle, même connu, puisse fonctionner, alors que dans ton parallèle avec la culture indienne, cette dernière est pourtant en place depuis pas mal de millénaires.
    J'ai lu ton article mais je vais quand même lire ce bouquin! j'avais été assommé d'ennui en lisant l'anneau-monde, et pourtant je pense que Niven reste un bon auteur! Donc merci de faire naître cette envie!

    Et par rapport à la culpabilité que tu ressens en laissant un commentaire sur le cycle de Dune, ne t'inquiète pas, je blogue pour partager mes passions et partager avec les gens! Je comprend ta réaction face aux livres du fils Herbert, tu sembles en effet trés lié au cycle originel!

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