Le preneur d'âmes - Frank Herbert


Ce roman de Frank Herbert relève, non pas de la science-fiction mais, du fantastique. L'action se déroule en Amérique, près de la frontière canadienne, de nos jours (le livre datant de 1972). On y suit Charles Hobuhet un américain instruit d'origine indienne. Suite au viol (part des blancs) puis au suicide de sa soeur, il devient Katsuk, esprit ancestral signifiant "le centre (de l'univers)" dont la mission sacrée va consister à sacrifier un hoquat, un étranger innocent afin d'envoyer un message au monde, un message qu'il ne pourra pas ignorer. Seulement la victime sacrificielle doit être consentante. Ainsi Katsuk va kidnapper David Marshall, un jeune garçon de 12 ans. 
Comme toujours dans les romans de Frank Herbert, il y a une ambiguïté dans la façon dont on va percevoir ses personnages. Ainsi on peut y voir un "choc des civilisation" entre le monde indien, profondément animiste, et le monde hoquat rationnel qui a perdu le lien avec la nature, le sens des choses. Il y a bien sûr une critique à peine voilée de la société occidentale, de ses contradictions, de son aveuglement (cela rappelle d'ailleurs les rapports Fremens/Harkonnens). Les uns ancrent leurs actions et le sens de celles-ci dans une longue tradition de symbiose avec l'environnement tandis que les seconds ont une logique de profit, logique aveugle du prix à payer pour ces actes. Cette dichotomie va également s'exprimer par les difficultés à communiquer entre les deux protagonistes, difficultés qui vont progressivement s'atténuer, Hoquat percevant de mieux en mieux le langage de son bourreau.
Mais on peut aussi voir dans cette histoire, celle d'un homme possédé, ou plutôt dépossédé de son esprit, aliéné en somme. Son interprétation des choses peut être perçu comme les délires psychotiques d'un esprit malade, les agissements de l'enfant comme la conséquence de son état de victime. Le syndrome de Stockholm.
Les deux façons de voir sont aussi plausibles l'une que l'autre et dépendra certainement du lecteur, de son état d'esprit. Il est intéressant, comme toujours avec Herbert, que l'on ne nous donne pas de d'indice qui nous permette de trancher de manière nette. Les uns y verront l'apologie d'un crime, d'autre une tragédie (s'en est une d’ailleurs) et j'imagine, bien d'autres choses encore. A chacun de se faire une idée. Pour ma part, ce livre m'a évidement beaucoup plu: il tranche un peu avec les autres productions de l'auteur du point de vue du contexte mais on y retrouve beaucoup des thématiques qui lui sont chères et surtout sa capacité à faire participer activement le lecteur qui est invité à donner du sens.


En ce qui concerne la chair, vous autres, les Blancs, agissez d'après des convictions fragmentées. Vous tombez de là dans la solitude et la violence. Vous ne soutenez pas vos semblables et vous plaignez de ne pas être soutenus. Vous réclamez la liberté à cor et à cri tout en rationalisant les servitudes que vous vous êtes vous même imposées. Vous existez en permanente tension entre la tyrannie et la duperie. A cause de toutes vos trompeuses prétentions et vos tortueuses tricheries, vous affirmez être prêts à courir tous les risques pour accéder à un bonheur égal pour tous. Mais vos paroles sont sans risques.

J'ai mis l'illustration de la précédente édition car j'adore le travail de Siudmak. La nouvelle édition a au contraire une couverture vraiment immonde.

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